Dans le contexte burkinabè où chaque acte de solidarité revêt une importance capitale, je vous convie à découvrir l’histoire de Djamiratou Natounkelsba Nadege ZOROM. Cette jeune femme, que j’ai eu l’opportunité d’interroger à l’occasion de la célébration de la Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire, incarne un modèle de leadership et d’inspiration.
- Pouvez-vous vous présenter brièvement et nous parler de votre parcours professionnel dans le domaine de l’humanitaire ?
Je suis DJAMIRATOU NATOUNKELSBA NADEGE ZOROM, officier des affaires civiles au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Mon poste est basé à Tombouctou, l’une des régions les plus durement touchées par le conflit au Mali. Mon travail consiste à collaborer avec des organisations de femmes et de jeunes dans le but de promouvoir la protection des civils, renforcer la cohésion sociale, faciliter la reconstruction et la résilience. Cela inclut des activités telles que la médiation, le dialogue communautaire ainsi que la gestion endogène des conflits.
Avant de rejoindre la MINUSMA, j’ai occupé le poste de spécialiste de l’engagement des jeunes dans la lutte contre le VIH en situation d’urgence au sein de l’UNICEF Burkina Faso. Mon rôle consistait à travailler avec des jeunes évoluant dans des zones d’insécurité, en particulier de jeunes filles qui étaient les plus vulnérables à cette insécurité. J’ai également eu l’opportunité de collaborer avec L’ONG Think Peace en tant que Field Officer , au sein d’une équipe remarquable, pour surveiller la situation des droits humains et des questions de genre dans les régions affectées par l’insécurité dans la zone des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso).
- Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans le domaine de l’humanitaire ? Y a-t-il eu un événement ou une expérience particulière qui a joué un rôle dans votre décision ?
La Croix-Rouge Burkinabè constitue une institution à laquelle j’ai toujours été dévouée, source d’enseignements inestimables pour ma part. Actuellement, j’assume la fonction de présidente nationale de la jeunesse au sein de cette vénérable organisation. Je considère que l’origine de ma passion pour ce domaine prend racine au sein de cette institution qui se distingue par un système de mentorat et d’implication des jeunes solidement établi. Elle déploie même des programmes dédiés aux enfants pour les instruire dans les domaines du secourisme et de l’engagement communautaire.
À la lumière de ces aspects, je nourris la conviction que mon attachement à ce que j’apprenais a favorisé le développement de mon intérêt, me poussant à désirer approfondir mes connaissances et à persévérer par pur amour de la cause.
- Quelles sont les valeurs et les motivations qui vous animent dans votre travail au sein de l’humanitaire ? Comment trouvez-vous l’inspiration pour continuer à aider les autres dans des circonstances souvent difficiles ?
Je mentionnerai l’amour et la solidarité comme les fondements de ma motivation. L’amour, car mon engagement est teinté d’une profonde joie lorsque je médite sur les retombées de mes actions. Quant à la solidarité, il me semble que chaque individu a une responsabilité envers celle-ci, qu’elle puisse se manifester de multiples manières, à condition de choisir la voie qui permet d’exprimer cette solidarité au mieux. Mon esprit est entièrement concentré sur les résultats que mon acharnement peut engendrer.
Un exemple concret est observé lors de mon travail auprès des jeunes filles, parmi lesquelles nombreuses ont évolué pour devenir des ambassadrices de lutte contre les mécanismes négatifs d’adaptation tels que la promiscuité, la prostitution et l’extrémisme violent. Cette transformation s’est opérée au sein des sites d’accueil pour les personnes déplacées internes ou au sein des communautés impactées par les mouvements de populations. Cette réalité m’a procuré une satisfaction profonde. Lorsque de tels moments se matérialisent, je ressens une profonde gratitude et mon unique aspiration est de persévérer, d’accroître mes efforts. À ces instants précis, nous réfléchissons aux défis que nous avons su surmonter, renforçant notre détermination à affronter les obstacles futurs, forts de la certitude que nous saurons les surmonter.
- Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle dans l’organisation humanitaire pour laquelle vous travaillez ? Quelles sont vos principales responsabilités au quotidien ?
Je collabore étroitement avec des organisations internationales qui jouent le rôle de partenaires d’implémentation. Ces partenaires mettent en œuvre les projets et programmes en collaboration avec des organisations de la société civile (OSC) dédiées à la jeunesse et aux femmes, contribuant ainsi à renforcer la cohésion sociale et la résilience. Mon rôle consiste à veiller à ce que les projets correspondent effectivement aux besoins des bénéficiaires, à garantir que leur impact soit tangible et durable. J’assure également que nos partenaires comprennent les procédures de financement, assument les différentes responsabilités et, surtout, adhèrent aux valeurs des Nations Unies.
La réalisation de ces objectifs exige de ma part la tenue de réunions régulières, qu’elles soient quotidiennes ou hebdomadaires, et la réalisation de sorties de supervision. De plus, la rédaction de rapports se révèle incontournable pour rendre compte de nos avancées et évaluations.
- Quels sont les défis les plus importants auxquels vous êtes confrontée dans votre travail ? Pouvez-vous partager une réalisation particulièrement gratifiante que vous avez vécue en tant qu’humanitaire ?
Le principal défi réside dans l’imprévisibilité des circonstances. Il est tout à fait possible de se trouver confronté à des situations complexes où les moyens de répondre efficacement aux besoins des populations touchées sont limités voire inexistants. Ces situations peuvent découler de facteurs politiques ou d’une montée en puissance de l’insécurité. Dans la plupart des cas, cela exige une adaptation rapide des plans et une réorientation des actions.
En ce qui concerne des anecdotes, bien qu’il y en ait pléthore, je me souviens avoir supervisé un projet axé sur l’autonomisation des femmes dans des zones en situation d’urgence. Pour la première phase, le programme visait à former une vingtaine de femmes dans le domaine de leur choix et à les soutenir dans leurs démarches. Les résultats furent probants, ces femmes se sont affirmées de manière remarquable. Cependant, un an plus tard, j’ai eu l’opportunité de croiser l’une d’entre elles. Elle s’était spécialisée dans le maraîchage, elle était élégamment vêtue et conduisait une mobylette. Bien que je ne l’ait pas immédiatement reconnue, son visage me semblait familier. Elle a rapidement évoqué le projet, exprimant sa gratitude pour l’opportunité qu’il lui a offerte de réaliser des choses qu’elle n’aurait jamais envisagées auparavant dans sur le camp de déplacés internes. Grâce au projet, elle a pu améliorer considérablement la vie de ses enfants en leur offrant une meilleure éducation. Sa narration touchante comprenait même le fait que son mari avait abandonné son activité précédente pour la rejoindre dans son entreprise. Cette expérience fut profondément émouvante, transcendant les attentes initiales du projet.
- Le travail humanitaire peut être émotionnellement et physiquement éprouvant. Comment parvenez-vous à maintenir votre bien-être mental et émotionnel tout en faisant face aux situations difficiles ?
Dans l’exercice de mes fonctions, je suis constamment en quête d’une source d’inspiration ou d’un élément positif qui maintienne mon moral au sommet. Il peut s’agir d’un événement marquant ou d’une personne qui illumine ma journée et me revitalise. C’est une démarche qui me procure réconfort et joie, m’empêchant de succomber à une fatigue émotionnelle. Je dois reconnaître la chance que j’ai eue de travailler aux côtés de collaborateurs exceptionnels. Cette dimension joue un rôle crucial dans la qualité de l’énergie que l’on investit dans un travail d’équipe. Les valeurs de bienveillance, d’écoute attentive et de gentillesse sont des éléments fondamentaux au sein d’une équipe, et j’entreprends toujours d’instaurer cette atmosphère du mieux que je le peux. Dans un tel environnement, il est toujours possible de faire face collectivement aux éventuelles difficultés qui se présentent, ce qui renforce le tissu de notre cohésion.
- Le travail humanitaire implique souvent de collaborer avec des équipes diverses et des cultures variées. Comment gérez-vous ces interactions et favorisez-vous une collaboration efficace ?
D’après la majorité de mes amis et collaborateurs, je suis une personne très ouverte d’esprit, et j’ai une grande capacite à aller au-delà de l’apparence et la culture des individus. Par exemple à Tombouctou j’ai vite appris quelques expressions la langue locale, le sonrhaï. Aussi, je participe aux rencontres communautaires habillée de « Dempe, » (le style vestimentaire touareg et d’autre tribu de la région. Les femmes s’enroulent tout le corps d’un beau tissu leger). Mes collègues viennent des quatre coins du monde et c’est juste magnifique de pouvoir chaque jour après d’eux et aussi de faire voyager notre culture et nos habitudes du Burkina Faso. Pour moi, cette grande diversité est une opportunité de voyager à travers autres.
- Pouvez-vous nous raconter une histoire ou un moment où vous avez vu directement l’impact positif de votre travail sur les personnes que vous aidez ?
Avec mon équipe, nous avons mis en œuvre des Comités locaux de réconciliation. Après les avoir dotés des compétences nécessaires et les avoir mis en place, le nombre de conflits de premier niveau résolus a été remarquable, évitant ainsi des catastrophes potentielles entre différentes communautés. Le cadre que nous avons établi un an auparavant a grandement contribué au processus de gestion des conflits. Je peux observer un impact immédiat dans certaines activités, comme lors de la mise en place des activités de Cash transfert, de la distribution de kits de dignité ou encore de l’accompagnement scolaire. Ces petites actions apportent une véritable source de joie aux ménages, et lorsqu’on en ressent les retombées positives, cela est tout simplement extraordinaire.
- Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent poursuivre une carrière dans le domaine de l’humanitaire ? Y a-t-il une citation ou une philosophie qui vous guide dans votre travail ?
Je souhaiterais exprimer ceci : avant de choisir de suivre cette voie professionnelle, assurez-vous de deux aspects essentiels. Tout d’abord, que votre motivation ne soit pas exclusivement guidée par la quête d’argent, car vous pourriez être enclin à abandonner dès que les premières difficultés se présenteront. Cette carrière est d’une complexité saisissante. Et ensuite, sachez ce qui vous y amène, et ayez la conviction que ce que vous recherchez individuellement à travers cette voie n’a pas de valeur monétaire.
- En cette Journée mondiale de l’aide humanitaire, quel message souhaiteriez-vous partager avec le monde en ce qui concerne l’importance de l’aide humanitaire et de l’engagement envers les personnes dans le besoin ?
Je tiens à souligner que nous portons tous une responsabilité intrinsèque envers les individus qui ont été touchés par des catastrophes, qu’elles soient naturelles ou anthropiques. Il est de notre devoir de matérialiser cette capacité inhérente à la nature humaine, celle de démontrer compassion et générosité envers nos semblables plongés dans des périodes de crise et de vulnérabilité. C’est un devoir qui transcende les frontières de notre propre existence et qui résonne profondément avec l’essence de notre humanité.
#lesheroinesdufaso #WorldHumanitarianDay #WHD2023 #leadershipfeminin
0 commentaire